Organza / À propos de David El-Malek2001-07-01
Peut-on parler avec justesse de ceux qui nous touchent le plus ? Sachant bien que le sujet n'est pas complètement inédit, et convaincu que l'époque, faisant voler en éclat la sacro-sainte frontière analytique entre sujet et objet, nous pousse à être un peu "partie" pour être meilleur juge, je me prête à l'exercice, flatté d'avoir à le faire… et un rien anxieux du résultat…
Car jouer avec David, c'est d'abord accepter d'être l'heureuse victime de l'exigence qu'il s'impose à lui-même. Une exigence qui se traduit en tout premier lieu par la volonté farouche de ne pas tricher avec certaines histoires : la sienne tout d'abord, d'Israël à Paris via Bordeaux, déjà fort chargée de moments extrêmes, de bonheurs certains comme de douleurs profondes, de celles qui marquent à vie. De celles qui peuvent aussi porter vers la musique, autre histoire qu'il semble considérer comme un monde en perpétuel mouvement, qu'il aborde avec la rigueur obstinée d'un chercheur et la force inspirée d'une vocation légèrement tardive - jetant son dévolu sur le sax tenor à vingt ans seulement, mais tellement résolument.
Exigence qui transparaît aussi dans son souci permanent du temps à prendre. Le vrai temps, celui qui permet de prêter attention, de considérer tout élément comme riche d'enseignement, de plonger résolument au fond des choses, là où se trouve la possibilité de mettre en lumière la frontière entre intégrité et intégrisme, à la fois subtile et immense. Prendre le temps pour ne pas perdre le sien… signe des temps, suis-je porté à croire.
Tout un programme qu'il se donne pour se taire souvent, parler avec précaution, et rire aussi… beaucoup… Car David est à lui seul un univers de gestes et d'expressions, d'une généreuse désinvolture qui détruit toutes les façades artificielles d'un gigantesque éclat de rire contagieux. L'une de ces armes pacifiques qui mettent tout le monde d'accord et heureux.
Connaissant l'homme depuis quelque temps déjà, je suis entré dans ce projet avec la certitude de découvrir encore de nouvelles richesses, heureux d'avoir à jouer avec son son, avec l'étendue exceptionnelle de son vocabulaire, d'avoir à découvrir son écriture comme ces mélodies traditionnelles israëliennes sans âge, d'avoir enfin à partager tout ceci avec Jules Bikoko et Daniel Bruno Garcia, partenaires de longue date de David, musiciens d'une classe sans égale, d'une disponibilité et d'une générosité sans faille.
Séduit a priori par le voyage, je ne soupçonnais pas à quel point j'en retirerais du plaisir. Merci David !
/ Juillet 2001